T. Sauvé

Rencontre avec Bernard Palacios

Au cœur de la vallée de la Vis, Saint-Laurent-le-Minier, autrefois prospère grâce à l’exploitation minière et à l’industrie papetière, connaît un nouvel essor dans les années 1970 avec le cinéma d’animation. En effet, dans l’ancienne filature Foulquier du XIXème siècle, les bobines de cellulose remplacèrent les bobines du précieux fil de soie grâce au studio d’animation et de production La Fabrique, fondé par les réalisateurs Jean-François Laguionie, Bernard Palacios et cinq autres amis.
Réalisateur indépendant de courts-métrages d’animation, Bernard Palacios est formé aux Beaux-Arts, puis a débuté avec la série télévisée Au bout du Crayon. Il poursuit son travail à travers la création de livres, la peinture, l’enseignement à l’école du film d’animation La Poudrière et son engagement dans La Fabrique Association.

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Quelle est l’histoire de La Fabrique ?

La Fabrique est née en 1979 lorsque Jean-François Laguionie a réuni une équipe de réalisateurs indépendants, dont Nicole Dufour, Henri Heidsieck, Claude Luyet, Émile Bourget, Patrick Darlot et moi-même, pour réaliser son premier long-métrage d’animation, Gwen, le livre de sable, dans une ancienne usine de tissage de soie que nous avons acheté. Nous avons fait ce film à 5 personnes, pendant 5 ans. Actuellement, en France, il faut au moins 400 personnes pour réaliser un dessin animé. Nous l’avons réalisé avec un matériel très particulier de prises de vue : un banc-titre multiplan, ce qu’a utilisé Walt Disney pour Blanche-Neige et les 7 nains. à la fin de ce film, tous les réalisateurs devaient rentrer chez eux. J’habitais à Annecy, un de mes amis habitait en Suisse… À cette époque, Jack Lang, alors ministre de la Culture, a initié un projet de décentralisation du cinéma en France. Ce plan concernait cinq lieux, dont le Centre Méditerranéen de Création Cinématographique avec René Alliot et La Fabrique à Saint-Laurent-le-Minier, ainsi que d’autres sites, notamment en Bretagne. Le Ministère de la Culture a donc aidé à l’installation d’une association qui devait engendrer une maison de production. Et nous sommes tous restés vivre ici !

Pendant plusieurs décennies, et jusqu’à il y a dix ans, La Fabrique a constitué un catalogue riche de courts-métrages d’auteurs, de séries télévisées et de quelques longs-métrages, tels que Princes et Princesses de Michel Ocelot et L’Île de Black Mor de Jean-François Laguionie. Fidèle à sa ligne éditoriale, elle s’est consacrée exclusivement au film d’auteur, totalisant plus de 70 productions.
Dans ce bâtiment, nous avons accueilli jusqu’à 80 personnes travaillant sur différents projets. Au départ, nous n’aurions jamais imaginé une telle expansion. Le dernier film qui ait été réalisé en méthode traditionnelle d’animation à La Fabrique est Le château des singes, de Jean-François Laguionie en 1999.
En 2014, une crue éclair, que l’on surnomme «la vague» ici, a détruit le premier étage du bâtiment, les installations et tout le matériel des films. Déjà fragilisée financièrement, la production n’a pas survécu malgré des tentatives de relance. Seule l’Association, restée indépendante, perdure aujourd’hui avec un objectif purement culturel..

De nos jours, quelle est la vocation de La Fabrique ?

Désormais, l’association a un but culturel : nous organisons des ateliers d’initiation au dessin animé avec des enfants, dans des milieux médicaux ou des structures à destination de personnes en situation de handicap. Nous organisons aussi des conférences, des projections et le Festival Cinéma Dans les étoiles. Depuis cinq ans, un nouveau chapitre s’est ouvert pour La Fabrique grâce au soutien de la mairie de Saint-Laurent-le-Minier, redevenue propriétaire des bâtiments.
Ce partenariat permet d’accueillir en résidence de jeunes réalisateurs, anciens diplômés de l’école de la Poudrière à Valence, venus ici pour développer leurs nouveaux projets, qu’il s’agisse de films, de séries ou de jeux vidéo.
Offrant un cadre privilégié, à la fois paisible et enrichi par un réseau d’animation dynamique dans les villages voisins, ces résidences leur permettent d’affiner leurs idées et d’obtenir des subventions, constituant ainsi le point de départ de leurs créations.
Par ailleurs, l’activité culturelle s’intensifie à Saint-Laurent, notamment avec le théâtre qui propose des résidences dédiées aux arts de la marionnette. Fidèle à sa mission, l’association s’engage à faire vivre ses bâtiments à travers des initiatives créatives. Ces projets donnent lieu à des journées portes ouvertes, des partenariats avec des réalisateurs et d’autres événements favorisant l’échange et la création.

Parmi toutes les oeuvres de la Fabrique, quelles sont les plus marquantes ?

C’est une question difficile… Il y en a tant ! Michel Ocelot vient facilement en premier, avec la série d’animation Ciné Si qu’il a réalisée en papier découpé, faite dans la cuisine ! Six épisodes de la série seront regroupés pour le long métrage Princes et Princesses. Je pense également à la série Les Cadeaux, d’Henri Heidsiek.

Pourquoi s’être installé particulièrement à Saint-Laurent-le-Minier ?

C’était une idée de Jean-François Laguionie qui s’étant installé à Saint-Bresson, était passé par Saint-Laurent et a apprécié le cadre qui lui rappelait la Corse, où il était parti en vacances !

T. Sauvé
T. Sauvé
T. Sauvé