Maison de l’Eau

Rencontre avec Rosine Cabrit

Rosine est une habitante du Sud Cévennes, depuis des années elle est le visage de la Maison de l’Eau des Plantiers, un ancien moulin, où l’eau des Cévennes est à l’honneur. Passionnée et passionnante, elle transmet son savoir à travers des visites et des animations sur cette thématique tout au long de l’année..

Quelle est l’importance de l’eau dans les Cévennes ?

L’importance de l’eau en Cévennes apparaît dès son histoire géologique. Il y a 400 à 600 millions d’années, les Cévennes commencèrent à se former, millimètre par millimètre, au fond des eaux. Durant plusieurs millions d’années, des boues argileuses se sont déposées au fond des mers, se transformant peu à peu en roches sédimentaires sous l’effet de la pression. Ce paysage, né des eaux, est soumis à la rudesse du climat mettant en scène une alternance de périodes entre « trop d’eau » et « pas assez d’eau ».

Les Cévennes gardoises sont soumises à un climat méditerranéen avec des influences continentales et océaniques marquées par de fortes précipitations annuelles de l’ordre de 800 à 1000 mm par an en moyenne. Le climat se traduit par des épisodes cévenols, des pluies torrentielles, abondantes concentrées sur des périodes limitées, des hivers brefs, froids avec un enneigement modéré et par des sécheresses estivales prononcées.

Des crues exceptionnelles touchent l’ensemble des cours d’eau cévenols, dévastant de nombreuses terres agricoles, détruisant des usines, des ponts, des routes, des maisons… Ces inondations ont un coût financier très conséquent et obligent aujourd’hui les autorités à entreprendre des travaux pour protéger la population et les infrastructures des communes : construction de barrages écrêteurs, bassin de rétention, digues, zone d’épandage de la crue, travaux d’entretien de la ripisylve, peigne à embâcle…

Comment les anciennes générations de cévenols ont apprivoisé l’eau ?

Les anciennes générations de cévenols ont dû mettre en œuvre divers aménagements pour s’implanter dans ce relief aux pentes abruptes, pour se protéger de cette eau destructrice et pour apprivoiser cet élément vital à la survie des populations. Cette eau destructrice, il va falloir apprendre à s’en protéger. Se protéger du ruissellement qui entraîne la terre cultivable en fond de vallée : en construisant des terrasses, les bancels, permettant de créer des parcelles cultivables, d’approfondir et retenir artificiellement les sols, de canaliser l’écoulement des eaux ; d’améliorer l’infiltration de l’eau et de constituer des réserves hydriques pour la végétation. Toutes ces raisons font de ces aménagements une condition indispensable à la culture et au maintien des sols.

Pendant la grande expansion du châtaignier au XVIème siècle, on coupait la pente par des murettes qui faisaient converger les eaux de ruissellement vers les valats naturels ou vers des robinas, destinées à leur évacuation. Ces murettes retenaient également la terre, offraient aux arbres un sol plus profond, mieux apte à conserver l’eau d’infiltration.

Si ces dispositifs ne suffisaient pas, on bâtissait des tranchées nommées aigadiers ou trencats canalisant l’eau vers l’exutoire le plus proche. Le reboisement du massif de l’Aigoual a également contribué à limiter l’érosion des sols et freiner le ruissellement.
Pour protéger les berges sensibles aux attaques de l’eau, au XVIIIème siècle, les cévenols ont imaginé des chaussées, nommées rascaças. Pour apprivoiser cet élément vital à leur survie, ils sont partis à la recherche des eaux souterraines. Ils ont construit des captages en creusant des galeries pour capter les eaux infiltrées dans les failles.

Pour irriguer les terres cultivables, des tranchées souterraines nommées valats ratiers, étaient creusées formant tout un réseau drainant un sol humide vers un point de source. Dans la plupart de ces captations, une réserve servant de stockage était bâtie : la gourgue. La gourgue à ciel ouverte servait aux activités agricoles et celles fermées pour les besoins domestiques. Ils ont également dompté l’eau des rivières pour l’irrigation ou faire tourner un moulin en construisant des prises d’eau : les païssières et des canaux d’irrigation : les béals.
Des bassins, les naucas ou pisas creusées dans des blocs de roche servaient de réserve pour les activités ménagères ou abreuver le bétail.

Utilise-t-on encore leurs techniques aujourd’hui ?

La révolution industrielle amena la population cévenole a quitter les montagnes et de nombreux aménagements furent abandonnés et se retrouvèrent pour beaucoup envahis par la végétation. Tout de même les terrasses, béals, gourgues, captages… servent encore pour l’activité agricole notamment à la culture de l’oignon doux ou pour alimenter de nombreux mas.

Par contre, les anciens ouvrages servant à se protéger du ruissellement, comme les tancats, sont soumis à l’abandon. Il me semble nécessaire et primordial de préserver ces techniques ancestrales afin que le pays cévenol ne se retrouve pas face à des stress hydriques plus conséquents. Le fait que les Cévennes soient inscrites sur la liste du patrimoine mondial par l’UNESCO montre l’importance de la préservation de ce patrimoine et de la transmission des savoirs traditionnels.

Qu’a t-on appris des anciennes générations ?

Tout ce bâti hydraulique est remarquable par l’ingéniosité dont il témoigne, il révèle une véritable maîtrise de la gestion de l’eau et donc de son utilisation. L’homme a su gérer l’eau au mieux avec des moyens économes et pertinents véritablement exemplaires.

Dans les bonnes pratiques, je citerai la maîtrise de l’eau pour l’agriculture, l’irrigation, les moulins, les besoins domestiques, la protection contre les inondations. Les anciens nous ont appris que l’exploitation intensive de certains milieux est une mauvaise pratique ayant des conséquences sur la biodiversité des milieux, sur les populations et les biens. Comme le massif de l’Aigoual qui a subi la déforestation et le surpâturage par exemple.

Comment réduire notre impact pour préserver la biodiversité aquatique de nos rivières ?

Tout d’abord par la prise de conscience que la rivière est un écosystème dans lequel l’être humain et ses activités ont des impacts qui peuvent le fragiliser. Il faut préserver la biodiversité aquatique qui est une ressource vitale pour chacun d’entre nous.

Il est possible de pratiquer quelques gestes simples dans notre quotidien : remportez avec vous vos déchets et si possible récupérez les plastiques et autres déchets non biodégradables croisés sur votre chemin.

Laisser couler l’eau de la rivière : les retenues d’eau artificielles dans les rivières ont plusieurs effets néfastes sur la faune et son habitat. Ces barrages, même de petite taille, empêchent les poissons de circuler librement dans le cours d’eau. Or ces derniers ont besoin d’évoluer à leur aise pour se nourrir, se reproduire. Par ailleurs, déplacer les pierres peut modifier le lit du cours d’eau, détruire des habitats et des zones de reproduction. Enfin, dans les retenues créées, l’eau se réchauffe, elle est moins chargée en oxygène et favorise le développement d’algues.

Attention au choix de crème solaire : chaque année entre 10 000 et 25 000 tonnes de produits solaires terminent dans les océans, mers et rivières. Qu’ils s’agissent de filtres UV chimiques ou minéraux, ces derniers ont un impact non négligeable sur la faune et la flore aquatique. Beaucoup d’autres gestes sont à adopter pour préserver ces milieux.

La Maison de l’Eau est ouverte de mai à septembre, Rosine vous y attendra pour une visite ou pour un atelier en famille.

La Maison de l’eau

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S. Bie
T. Sauvé